Tout en ayant conscience de la complémentarité de démarches militantes, la posture de Colibris d’accompagner les changements individuels est sans doute l’indispensable terreau d’un large changement politique.
Colibris a été lancé il y a 10 ans pour se mettre au service de ceux qui veulent participer à construire une société écologique et humaniste. Notre particularité a toujours été de mettre une intuition forte au centre de cet engagement : la transformation personnelle est le pilier d’un véritable changement de société. Et nous pouvons témoigner, jour après jour, de la pertinence de cette intuition pour créer une culture de tolérance, de solidarité, de partage, de non-violence….
Nous sommes conscients qu’une démarche plus militante est nécessaire et complémentaire. De nombreux mouvements jouent ce rôle. C’est cette pluralité des actions qui fait aussi la force de la société civile.
Mais l’idée que Colibris puisse construire un nouveau projet de société sans s’inscrire dans une démarche de combat frontal du système en place continue de déranger certains. Récemment un article de Médiapart* prétendait que cette posture était « inoffensive », voire « contre-productive ». Nous affirmons le contraire.
Changer son mode de vie et construire des actions concrètes sur son territoire est une posture politique radicale, dans la mesure où le politique reprend son sens d’« organisation de la cité ». On entend malheureusement encore trop souvent que si vous utilisez des monnaies locales, participez à une AMAP, éco-construisez votre maison ou devenez végétariens, cela ne sert (presque) à rien et qu’il serait préférable de se battre, de faire des révolutions…
Les luttes ont certes contribué à faire évoluer nos sociétés et elles restent utiles sur de nombreux sujets. Mais les enjeux d’aujourd’hui, comme les changements climatiques ou la destruction du Vivant, sont différents de ceux d’hier, et demandent de revoir nos façons d’agir. Se battre contre des prétendus responsables quand on sait que c’est le système lui même qui est en cause, est-ce vraiment suffisant ou efficace ? Empêcher le pouvoir de nuisances de certains, comme amener Monsanto devant des tribunaux, est nécessaire. Mais nous devons aussi nous questionner sur notre posture personnelle, notre responsabilité, notre complicité. Combien se battent pour des causes humanitaires et entretiennent des relations toxiques avec leurs proches ? Combien dénoncent les ravages des productions intensives et le pouvoir des multinationales, et consomment trop de viande et de produits fabriqués par ces mêmes industriels ?
La posture du colibri invite à reprendre vraiment du pouvoir sur sa vie. En faisant sa part, en affirmant haut et fort la primauté du changement individuel, elle peut être à la fois radicale et pacifique. Nous sommes de plus en plus nombreux à chercher cette double posture.
Des milliers d’éco-hameaux, de centres écologiques et conviviaux, de fermes en permaculture, d’écoles à pédagogie positive fleurissent partout comme le reflet des transformations personnelles. Ces initiatives donnent à faire l’expérience d’une autre société, elles sont le terreau d’un changement politique radical, d’une insurrection pacifique.
Donc, oui, l’engagement de tous ces citoyens qui reprennent leur pouvoir est la clé vers un monde plus écologique et humaniste. Oui, le chant de ces colibris est l’appel du monde de demain.
Mathieu Labonne, directeur de Colibris