“En cheminant vers Soi”, nous apprenons à mieux nous connaître et de ce fait, nous nous approchons de ce que nous sommes. Nous nous éloignons de ce Moi conscient, social et masqué, pour découvrir le message de notre Moi-profond et le sens qu’il donne à notre vie.
Ce Moi-profond ne s’exprime pas comme un livre ouvert. Il nous faut de la patience et de l’observation pour en savoir plus sur ce que nous sommes vraiment. Dans un précédent chapitre, nous avions indiqué une méthode d’analyse et des étapes à suivre pour observer et rechercher la “cohérence”
Les expériences paroxystiques sont des circonstances particulières qui nous éloignent du monde conscient, en nous donnant, selon MASLOW, des caractéristiques analogues à celles rencontrées chez les personnalités en cours de réalisation de soi : les heures les plus brillantes, les moments de maturité, d’individuation (conscience de l’identité), d’accomplissement et de plus grande santé psychique des personnes concernées.
Il a entrepris une vaste enquête pour tenter de “ donner une description simple et générale de l’expérience cognitive réalisée dans l’amour de l’autre, dans l’expérience parentale, dans l’expérience mystique et cosmique, dans la perception esthétique, dans la vie créatrice, dans la recherche intellectuelle, dans la pratique thérapeutique, dans l’expérience orgastique, dans certaines formes de plénitude physique “ en précisant que : ” Ce sont de tels moments de grand bonheur et d’accomplissement que j’appelle expérience paroxystique “.
Le questionnaire de l’enquête :
” J’aimerais savoir ce que vous pensez de la plus merveilleuse expérience de votre vie : moment de bonheur, moment d’extase, moment de ravissement ; expérience que vous avez faite peut-être en étant amoureux, ou en écoutant de la musique, ou en étant soudain fasciné par un livre ou un tableau, ou bien au cours d’une période de création. Tout d’abord établissez-en la liste. Et ensuite essayez de me dire ce que vous avez ressenti à ce moment-là, comment vous vous êtes senti différent de ce que vous étiez à d’autres moments, comment vous étiez, en quelque sorte, un autre être. ”
Ce chapitre sera sans doute une révélation pour beaucoup.
Pour une meilleure fidélité, j’ai fait largement appel à la citation (en caractère italique) du livre “Vers une psychologie de l’être” de Abraham H. MASLOW) .
Les valeurs de l’être.
On se souvient de la différence que MASLOW avait faite entre l’amour “E” de l’être de l’autre, et l’amour “D” (déficitaire) exprimant un besoin lié à un manque. Plus généralement, il parle d’une connaissance “E” ou connaissance de l’être de l’autre, qui se distingue de la connaissance “D”, basée sur le besoin qu’a l’individu de combler ses manques.
De la même façon, ce qui se passe au cours d’une expérience paroxistique, fait appel à des valeurs “E” ou valeurs de l’être.
Maslow les cite avec le sens qu’il leur donne :
Intégrité (unité ; intégration ; tendance à l’unité ; vie de relation ; simplicité ; organisation ; structure ; ordre).
Perfection (nécessité ; exactitude ; adéquation ; convenance ; justice ; complétude ; devoir).
Achèvement (fin ; finalité ; justice ; accomplissement ; destinée ; destin ; sort).
Justice (honnêteté ; ordre ; légalité ; devoir).
Vie (évolution ; spontanéité ; autorégulation ; santé).
Richesse (différenciation ; complexité ; structuration).
Simplicité (honnêteté ; nudité ; essentiel ; abstraction ; structure).
Beauté (rigueur ; forme ; vie ; simplicité ; richesse ; totalité ; perfection ; achèvement ; unicité ; honnêteté)
Bonté (exactitude ; attrait ; devoir ; justice ; gratuité ; honnêteté).
Unicité (individualité ; sans comparaison ; nouveauté).
Facilité (aisance, absence d’effort, de lutte ou de difficulté ; grâce, perfection, fonctionnement harmonieux).
Jeu (joie, amusement, gaieté, humour, exubérance, facilité).
Vérité, honnêteté, réalité (nudité, simplicité, richesse ; devoir, beauté ; pureté ; propreté ; intégrité ; totalité ; essentiel).
Autonomie ( être soi, indépendance ; n’avoir besoin de rien d’autre que soi pour être soi-même ; auto-déterminé ; dépassement de l’environnement ; solitude ; originalité).
Les caractéristiques d’une expérience paroxystique.
Bonne et souhaitable.
– L’expérience paroxystique apparaît toujours bonne et souhaitable. Il n’y a pas d’exemples où elle apparaisse mauvaise et indésirable.
Une expérience complète.
– L’expérience est intrinsèquement valable, parfaite, complète, n’exige rien d’autre. Elle se suffit à elle-même. Elle provoque l’émerveillement, l’étonnement, l’humilité et même le respect, l’exaltation et la piété. Le mot “sacré” est quelquefois employé pour décrire l’impression ressentie à son égard.
Hors du temps et de l’espace.
– Dans toutes les expériences paroxystiques qu’il m’a été donné d’étudier, on constate une perte caractéristique de l’évaluation spatio-temporelle. Il est commun de dire que dans de telles circonstances, l’individu est hors du temps et de l’espace.
La joie.
– La joie procurée par les expériences paroxystiques est pour les hommes que j’ai interrogés, l’un des buts de la vie, ce qui fait sa valeur et ce qui la justifie.
Comme un Dieu.
– La personnalité qui vit une expérience paroxystique est ” comme un dieu ” non seulement à cause de ce que j’ai déjà dit, mais encore parce qu’elle est capable d’aimer, de ne pas condamner, de compatir et d’accepter avec humour le monde et les êtres aussi mauvais qu’ils puissent habituellement paraître.
Absence de craintes.
– L’expérience paroxystique provoque la disparition complète, quoique momentanée, de la peur, de l’anxiété, de l’inhibition et la levée des défenses, la perte du contrôle et la fin de l’acceptation de différer, de renoncer, de restreindre.
Puissance consciente.
– Nous avons constaté que dans ces expériences paroxystiques, la personne devient plus intégrée, plus consciente d’elle-même, plus spontanée, plus expressive ; elle agit plus facilement et avec moins d’effort, elle est plus courageuse et plus efficace. Nous avons là une énumération presque identique à la liste des valeurs E. C’est-à-dire qu’au moment où l’individu perçoit l’essentiel de l’être du monde, il se rapproche de son être propre (de sa propre perfection, de son propre achèvement).
– Il est moins dissocié, moins en lutte avec lui-même, plus paisible, plus unifié du point de vue de l’expérience de soi et de la connaissance de soi, plus cohérent dans ses projets, plus harmonieusement et plus efficacement organisé, plus énergique ; il a moins de difficultés personnelles, etc.
L’individu se sent plus intelligent, plus attentif, plus spirituel, plus fort, plus gracieux qu’ordinairement. Il est au mieux, en pleine forme.
– Ce qui demande habituellement effort, entraînement, lutte, est alors réalisé sans qu’il soit question de se battre, de travailler, mais comme allant de soi. Il faut ajouter à cela l’élégance de ce qui se fait aisément, sans effort, quand tout marche bien, quand tout est facile et réussi.
Expression et communication.
– L’expression et la communication, au cours des expériences paroxystiques, tendent à se faire sous forme poétique, mythique ou lyrique comme si c’était là le moyen d’expression normal pour ces états.
Les conséquences des expériences paroxystiques.
Après avoir procédé aux constatations indiquées ci-dessus, MASLOW présente une série de conséquences pour lesquelles il a trouvé confirmation par ailleurs dans les écrits sur l’amour, la créativité, les expériences mystiques ou esthétiques.
- Les expériences paroxystiques peuvent avoir – et ont, en effet – des effets thérapeutiques au sens strict de la disparition des symptômes.
- Elle peuvent provoquer un assainissement de la perception qu’a la personne d’elle-même.
- Elles peuvent également modifier sa manière de voir les autres et les relations qu’elle entretient avec eux.
- Elles peuvent changer de manière plus ou moins durable sa vision du monde.
- Elles peuvent libérer sa créativité, sa spontanéité, son expression, sa personnalité profonde.
- La personne concernée se souvient de cette expérience comme d’un événement très important et elle souhaite ardemment la renouveler.
– La personne est en général plus apte à percevoir la valeur de l’existence, même si celle-ci est habituellement terne, pénible, peu gratifiante depuis que lui a été révélée l’existence de la beauté, de l’ardeur, de l’honnêteté, du jeu, de la bonté, de la vérité et du sens. C’est la vie elle-même qui prend valeur.
Qu’est-ce que cela change pour nous ?
A mon avis, les gens qui font une expérience paroxystique ont une meilleure approche de leur identité, ils sont plus proches de leur vrai Moi, plus conscients de leur personnalité. Il nous semble qu’il y a là un accès plus direct à une expérience de soi qui n’est pas déformée, c’est-à-dire où l’invention est réduite au profit de la découverte.
L’expérience paroxystique nous aide dans notre démarche de développement personnel. Pour savoir de quelle manière, on peut réfléchir à la petite histoire
suivante :
” Un homme va au paradis, en rêve, et on lui donne une rose comme preuve qu’il y est vraiment allé ; si cet homme trouve la rose dans sa main en se réveillant : alors que s’est-il passé ? ” (Samuel Taylor Coleridge)
On pourrait dire que rêver du paradis (de choses positives) apporte des bienfaits parfois très réels… De la même façon, vivre des expériences paroxystiques apporte aussi des bienfaits, parfois durables.
Ces moments d’extase que l’on ne peut, hélas ! pas reproduire à volonté, nous donnent le goût de quelque chose que nous cherchons. Ils nous prouvent que cette chose existe et nous permettent de la reconnaître chaque fois que nous la rencontrons.
Ceci concerne tout ce qui émerge dans ces circonstances :
- nos propres valeurs “E” qui constituent notre vrai Moi,
- l’expression poétique, artistique ou notre sensibilité musicale qui révèle peut-être des talents, notre raison d’être…
Nous profiterons de ces révélations et de cette connaissance “E” d’autant plus sûrement que nous aurons vécu ces instants au présent “ici et maintenant” et avec le respect et la confiance que l’on accorde aux grands moments de notre vie.
Dans la connaissance E, l’attention est entièrement et exclusivement concentrée sur l’objet de la connaissance. C’est l’attention totale, rien d’autre ne compte. L’objet prend toute la place et le reste disparaît. La connaissance implique ordinairement une comparaison : plus que, moins que, meilleur que… La connaissance E ne conduit à aucune comparaison, ni jugement, ni évaluation.
Une personne en voie de réalisation de soi, est plus qu’une autre, capable de percevoir le monde tel qu’il est, indépendamment non seulement d’elle-même, mais des préoccupations humaines en général.
Conclusion.
La notion d’expérience paroxystique est vraiment très puissante. Elle accorde une attention particulière à des phénomènes que nous avions peut-être l’habitude de négliger ou d’assimiler à de la sensiblerie. En réalité, ce sont des moments de pleine forme et de meilleure santé psychique dont nous pouvons tirer de nombreux bienfaits.
B.H.