Le modèle de F. Hudson indique que ce qui est vrai pour une situation l’est aussi pour une vie, pour un groupe. Dans le développement du cycle de changement on observe après l’enthousiasme des débuts, l’épuisement des ressources, le grand marasme, puis la restauration de l’envie et l’ouverture à autre chose ou autrement.
Le processus suit en fait la loi d’entropie qui veut qu’un état se dégrade inexorablement jusqu’à ce qu’un nouvel état se présente, qui se dégradera à son tour…
On dit volontiers : Réussir, s’est se relever une fois de plus qu’on est tombé !
Alors comment réussir ? Qu’est-ce qui donne l’énergie pour vivre et entreprendre ?
L’intérêt ou l’utilité de ce que l’on entreprend y est sans doute pour quelque chose, surtout si notre projet contribue à donner un sens à notre vie.
Mais lorsqu’on analyse ce qui fait sens dans notre activité, on observe une condition impérative : celle d’exister. Pour faire, il faut exister !
Exister c’est être, être soi.
L’homme existe :
- un peu, par ce qu’il éprouve et ressent,
- mais surtout, par le reflet que les autres peuvent lui donner de son existence. (Si je n’existe plus pour personne, je vais mourir).
Exister c’est « avoir une place ». Permettre à l’Autre d’exister, c’est lui « faire une place ».
L’empathie, c’est faire comme si on était à la place de l’Autre.
- Se sentir exister est un besoin vital.
- Se sentir exister donne de l’énergie pour vivre et pour agir.
Ne pas se sentir exister se traduit par l’envie de rien et le sentiment de survivre. - Je peux me donner l’impression d’exister par mes ressentis : m’activer, ressentir, vivre l’instant présent, faire du sport et des activités fortes, voire extrêmes.
- Mais, parce que l’homme est un être social, ce sont les autres qui lui donnent efficacement l’impression, ou la certitude d’exister.
Je n’existe pas si l’image que je donne à voir aux autres n’est pas moi. Il y a là un lien direct avec la confiance en soi et la connaissance de soi. - J’ai sans cesse besoin de me sentir exister, pour vivre et pour contrer, consciemment ou non, la peur de la mort.
Les strokes.
Mot anglais, difficile à traduire, signifiant : donner des coups ou des caresses.
On le doit à Claude Steiner, disciple d’ Éric Bern, le fondateur de l’Analyse transactionnelle.
Le stroke est un signe qui donne à la personne la preuve qu’elle existe.
On parle aussi de « Signe de reconnaissance« , par lequel on reconnait que l’Autre existe. Le mot « Stimulation« , évoque plus particulièrement les moyens par lesquels on transmet de l’énergie vitale : encouragement, soutien, (dans certaines situations : maladie, accident, dépression, vieillesse).
Il existe des strokes positifs =>caresses et des strokes négatifs =>coups
Le stroke est la source d’énergie décisive, indispensable à la survie physiologique et psychologique de l’individu :
– positif, il développe de l’énergie positive et de l’enthousiasme,
– négatif, il développe dix fois moins d’énergie et un stress négatif.
L’échange de Strokes passe par :
- La communication verbale : la parole chaleureuse, la colère, le reproche, l’écoute, l’attention, le compliment, le salut, l’accueil, le silence, la compréhension…
- La communication non verbale : le geste, le regard, le clin d’œil, le baiser, la poignée de main, l’accolade, la caresse, la fessée, les marques de respect et d’attention, le sourire…
- Par les sens :
- Visuel : sourire, regard, geste,
- Auditif : parole, écoute, compliments, reproches,
- Kinesthésique : caresse, coups, toucher,
- Olfactif : odeur. Nous produisons des phéromones suivant nos états d’âmes. Attirantes si nous sommes séduits ; elles ont un effet répulsif si nous refusons la rencontre avec quelqu’un. (Cela se sent… Je ne peux pas le sentir…).
- Associés : qui mettent en œuvre plusieurs sens : dire bonjour, faire l’amour, relation à autrui…
Chacun a ses préférences. Il est important de stroker dans le canal préféré de nos interlocuteurs.
Le stroke est d’intensité variable.
Inconditionnel, il porte sur la personne reconnue comme telle.
Conditionnel il est plutôt faible : il est restrictif et se réfère à une circonstance. (Tu es beau avec cette cravate !)
Pour être de qualité le stroke doit être : sincère, justifié, dosé, argumenté, personnalisé.
Pour obtenir la même quantité d’énergie, il faut un seul stroke positif, ou dix strokes négatifs.
Un mauvais stroke est sans effet, mais peut provoquer le rejet des suivants : la manipulation commence souvent par un mauvais stroke.
Nous disposons tous de » Filtres » ou raisonnements qui régulent les effets du stroke.
Par exemple : nous pouvons refuser des compliments, bien que sincères et mérités, simplement parce que nous pensons ne pas en être dignes… ou parce que nous avons l’habitude de recevoir des strokes de manipulateurs.
Ces filtres peuvent être : atténuateurs ou inverseurs : si nous sommes habitués à recevoir des reproches, un compliment même sincère, peut être perçu comme ironique.
Un filtre peut être : installé, nettoyé, renforcé, enlevé, notamment par un travail de connaissance de soi.
On peut stocker des strokes. Gérer le stock pour éviter d’être « vidé ». Prendre des ressources suffisantes pour faire face aux besoins en forte énergie. (Réflexion et prise de conscience).
Le stroke est gratuit et inépuisable.
Plus on en donne, plus on se met en situation d’en recevoir.
Chacun peut donner, se donner, recevoir, demander, refuser un stroke.
Le stroke donne l’énergie pour vivre et pour agir.
Cette affirmation est confirmée scientifiquement : production d’endorphines et d’ocytocine, hormones indispensables à la vie.
Le stroke peut changer la vie.
On se souvient du petit Mozart qui à 4 ans a joué au piano en public. Son père, un musicien modeste, voulait que son fils soit ce qu’il n’a pas su être. Un grand musicien.
Très jeune, Mozart a donc subi les leçons de piano de son père. Puis lorsqu’il a joué pour la première fois en public, il a eu un tel bombardement d’applaudissements (de strokes) que cela a changé sa vie. Son travail lui a procuré tellement d’énergie qu’il est passé du subi au voulu. Il est devenu le génie que l’on connaît.
L’écoute est un stroke particulièrement efficace.
Mais « écouter », c’est écouter en essayant de comprendre vraiment, et non, comme nous le faisons souvent, de cerner rapidement l’idée émise, pour mieux préparer une réponse.
On peut évoquer la technique de reformulation du commercial ; elle est efficace parce qu’elle prouve une bonne écoute.
Une écoute attentive et active peut donner le courage à un dépressif de renoncer à sa décision de se suicider.
Dire Bonjour, n’est pas seulement une forme de politesse, c’est donner un peu de vie.
On sent bien la différence entre un bonjour personnalisé, chaleureux, accompagné d’un regard mutuel, et un bonjour hâtif et distrait.
On peut penser aux circonstances où il nous arrive de « passer sans voir ».
Le fait de passer devant un mendiant en faisant comme s’il n’existait pas, le fait réellement souffrir de non existence. Même si on ne lui donne pas la pièce, on peut lui donner le bonjour !
Nous avons besoin de notre dose quotidienne.
Si nous en n’avons pas, ou pas assez, nous faisons ce qu’il faut pour que l’on nous en donne : nous nous inquiétons en permanence pour savoir si ce que nous faisons est bien, ou nous nous ingénions pour accomplir des actions hors normes…
Au besoin, nous devenons insupportables pour récolter des strokes négatifs plutôt que de n’avoir rien du tout.
L’homme préfère des strokes négatifs plutôt que d’en manquer.
Le stroke négatif a alors une douloureuse fonction de survie. Exemples : personnes âgées vivant dans la solitude qui deviennent insupportables, jeunes, avant un examen, dirigeants autoritaires qui le deviennent de plus en plus, à mesure qu’on les fuit et qu’ils souffrent d’isolement…
L’ennui est le signe d’un manque de strokes. (Durée trop longue entre deux strokes).
La solitude (on n’existe pour personne) détériore durablement le tempérament.
On peut avoir l’illusion de s’habituer à la solitude…, et préférer la solitude lorsqu’on est très actif. Ce n’est qu’une illusion. Les effets indésirables de la non-existence se font sentir, même à notre insu : rétractation physique, repli sur soi, douleurs somatiques.
Les manques de strokes durant l’enfance laissent des traces souvent irréversibles : hospitalisme ou syndrome de Spitz et carences affectives conduisent à la rétractation, aux réactions disproportionnées répétitives, à des difficultés sociales et à une faible confiance en soi.
Nécessité de révolutionner le mode éducatif et d’enseignement en France.
On y donne 8 stimulations négatives pour 2 stimulations positives.
Notre vocabulaire est plus riche en négatif qu’en positif. Notre culture est beaucoup plus portée à la critique qu’au compliment. La confiance en soi à l’âge adulte dépend grandement de la valorisation qu’on a reçu enfant, à la maison ou à l’école.
Applications pratiques.
Savoir reconnaître sa façon de stroker et de recevoir des strokes.
Savoir reconnaître chez l’Autre son mal-être, généralement dû à un manque de strokes.
Le stroke négatif :
Pratiquer la » réprimande minute » en 12 mots et 25 secondes, pour dire ce qui ne va pas, en précisant que seul le comportement est en cause, et non la personne.
Le stroke positif :
– Pratiquer le » stroke minute » immédiatement et brièvement. Il sera de qualité, s’il est : – spontané – sincère – approprié – personnalisé – argumenté – dosé.
– Avoir des critères d’appréciation connus, compris et expliqués.
– Soigner la façon de stroker autant que le contenu du message.
– Éviter le baratin gentil : le compliment doit être personnalisé, concret, mesuré, prouvé.
– Tenir compte des habitudes de l’autre et stroker en dosant.
– Varier les strokes et la façon de stroker, en utilisant les différents canaux.
– Espacer les strokes pour les valoriser.
– Équilibrer vos besoins de strokes par activité : personnelle, familiale, professionnelle, etc.
Professionnellement (ou en famille).
– Stroker ce qui est » normal » et pas seulement l’exceptionnel.
– Prendre les gens en flagrant délit de bien faire, ou ce qui est mieux encore : de commencer à bien faire. (éviter toutefois la manipulation !)
– Favoriser l’auto-stroke en faisant reconnaître à l’autre ce qui est bon dans son travail.
– Permettre à l’autre d’être réellement utile : délégation de responsabilité et non se soulager d’une tâche ingrate.
– Donner à la personne l’occasion de mettre en pratique ce qu’elle est consciente de bien faire.
– Donner des occasions de relever des défis raisonnables.
– Permettre et favoriser l’expression libre des sentiments.
– Créer un climat facilitant la distribution de strokes : une entreprise ou un service peut être jugé en fonction de son système de distribution de strokes. Pour cela, on observera l’ambiance et le climat social.
Attention !
– Dire à une équipe que tout le monde travaille bien et se situe au même niveau, est une absence de strokes qui est souvent dangereuse.
– Plaire n’est pas stroker !
Exercices.
Il est très efficace de souscrire avec soi-même un » Contrat de Réussite « ; c’est-à-dire : prendre un engagement pour une durée limitée, de date à date, avec un objectif précis et des résultats repérables.
Les exercices ci-dessous peuvent aider.
- Faire un auto-diagnostic de son système personnel : Comment je distribue des strokes ?
- Redéployer son propre système : chercher d’autres canaux et méthodes de distribution.
- Lister les personnes à stroker, éventuellement celles de qui vous espérez en recevoir !
– Découvrir les points positifs de ces personnes.
– Choisir le canal d’accès le plus naturel.
– Doser en légère progression en fonction du niveau habituel.
Conclusions.
. Le stroke est la source d’énergie vitale de l’homme. Il répond à son besoin premier.
. Manquer de stroke nous conduit à harceler notre entourage pour en obtenir, même négatifs.
. Si on a peu l’habitude de donner, on risque peu de recevoir.
. Si on n’aime pas recevoir de strokes on a peu de chances de susciter le don.
. Stroker, c’est être attentif à la valeur positive des autres, (et de soi-même), c’est « exister » et permettre aux autres d’exister.
. Un bon échange de strokes donne à chacun sa » place « .
. Lorsque nous recevons la quantité de strokes qui nous est nécessaire, nous « existons ».
Nous pouvons alors nous consacrer à ce pour quoi nous sommes faits.
. Le moyen de contrer la loi d’entropie consiste à appliquer la loi d’amour !