- Par Fabrice Nodé-Langlois
- Publié le 13/05/2011 à 21:52
Un rapport de l’ONU avertit que si la croissance mondiale reste aussi gourmande en matières premières, leur consommation triplera d’ici à 2050.
Si l’humanité continue sur sa lancée, elle consommera en 2050 trois fois plus de matières premières qu’aujourd’hui. «Bien au-delà de ce qui est supportable.» L’avertissement est clair. Et il ne provient ni de Lester Brown, président du Earth Policy Institute qui multiplie depuis des décennies les livres sur l’épuisement des ressources de la planète, ni du WWF ou de Greenpeace mais de l’ONU.
Dans quarante ans, les quelque 9 milliards d’être humains consommeront 140 milliards de tonnes de minerais, d’hydrocarbures et de biomasse (bois, cultures, élevage), selon le rapport du PNUE (Programme des Nations unies pour l’environnement). Soit 16 tonnes de ressources naturelles englouties chaque année par chaque habitant de la planète. «Les responsables politiques comme le grand public ne sont toujours pas convaincus des limites physiques absolues de la quantité de ressources disponibles pour l’humanité», notent les auteurs, une dizaine d’experts dirigés par une Autrichienne et un Sud-Africain.
Faire plus avec moins
Pour éviter des pénuries et les tensions sociales et géopolitiques qu’elles engendreraient, le monde doit «faire plus avec moins». Cette croissance durable suppose des investissements massifs dans «l’innovation technologique, financière et sociale». L’une des difficultés tient aux disparités considérables de l’exploitation des matières premières. Un habitant d’un pays industrialisé consomme en moyenne 16 tonnes par an, quatre fois plus qu’un Indien.
Au sein des pays riches, les écarts sont aussi impressionnants. Un consommateur du Qatar, d’Australie ou des États-Unis engloutit 40 tonnes de ressources naturelles par an quand un Français, un Allemand ou un Italien en utilise environ 15 tonnes. Ces chiffres ne reflètent la réalité que partiellement, notent les rapporteurs de l’ONU. Car une tonne de cuivre extraite au Chili sera imputée dans leur calcul au consommateur chilien même si elle est employée pour fabriquer un produit vendu en Chine ou en Europe. Ces faiblesses méthodologiques ne modifient cependant pas le risque d’épuisement mondial des ressources naturelles. Même si les pays industrialisés parvenaient à diviser par deux leur consommation de matières premières d’ici à 2050, à 8 tonnes pas habitant, et que les pays en voie de développement rejoignaient ce niveau sans le dépasser, le total s’élèverait à 70 milliards de tonnes, soit 40 % de plus qu’aujourd’hui. Ce scénario (le n° 2, dans l’infographie) s’accompagnerait d’un doublement des émissions de gaz à effet de serre, une trajectoire incompatible avec les objectifs de la communauté internationale en matière de lutte contre le réchauffement.
Au milieu de ces sombres perspectives pour l’environnement, le rapport onusien débusque quelques raisons de ne pas désespérer. La tendance mondiale à l’urbanisation est paradoxalement favorable à une meilleure utilisation des ressources naturelles. Une zone densément peuplée est plus économe par tête en matériaux de construction, en énergie et en transports, avancent les experts.
Autre motif d’espoir, les pays émergents sauteront certaines étapes du développement en adoptant directement des technologies ou des modèles moins gourmands en matières premières, à la façon dont ils ont adopté le téléphone mobile sans avoir fini de bâtir le réseau de téléphone fixe.