par Stephan
Ne m’en voulez pas, les indignés, les militants, les engagés à la cause de l’association Colibris. Mais la dédicace de l’association «la (R)évolution des Colibris » m’interroge. Et je vais m’expliquer.
Certes, le « R » de révolution est entre guillemet, il reste le mot évolution… mais ce qu’on entend et on lit, c’est révolution.
Dans le texte de présentation de cette dédicace, l’expression « reprendre le pouvoir » est utilisée de nombreuses fois. Y est même précisé ce sur quoi reprendre le pouvoir : localiser l’économie, planter ce que nous mangeons, révolutionner l’éducation, réinventer la démocratie, économiser et produire de l’énergie (renouvelable).
Tu ne vas pas chipoter sur un mot me dit un ami. « Ce sur quoi et comment Colibris veut reprendre le pouvoir, c’est bien ».
Oui c’est bien, mais les mots et plus particulièrement certains, peuvent se charger d’une portée symbolique, attirer et influencer bien au-delà de ce que l’on souhaite.
Nourris d’un langage d’extrême gauche sans être pour la plupart membres des partis et syndicats représentatifs de cette tendance, les étudiants de 1968, surtout en France, étaient plus révolutionnaires que revendicateurs. Et ceux qui les ont suivis oscillaient entre révolution et revendications. Je ne souhaite pas rentrer dans le débat de faut-il faire la révolution et quelles sont les choses qu’on pourrait revendiquer ?
L’histoire nous prouve que révolutions et revendications non seulement ne permettent pas l’avènement du monde meilleur souhaité, mais plutôt renforcent ce qui avilit l’homme et le monde : la table rase, les rapports de force, les exploitants et les exploités, la perte de racines.
Edgar Morin dans son livre « Mon Chemin » explique pourquoi il a abandonné le mot révolution : « J’ai abandonné le mot « révolution », qui a été réduit à ses formes violentes et qui a été souillé par les régimes communistes. Je crois de plus que l’on ne peut révolutionner que si l’on conserve, pas seulement notre patrimoine culturel et les valeurs humanistes héritées du passé, mais aussi la Nature, comme nous l’indique l’écologie… Le mot révolution me paraît non seulement perverti, mais insuffisant. C’est pourquoi je parle plutôt de métamorphose, laquelle conserve l’identité, mais en la transformant. »
Quant aux revendications, elles s’inscrivent dans le rapport institué entre syndicats ou représentants de salariés face aux directions d’entreprises et aux structures politiques.
Revendiquer, c’est jouer le jeu du système marchand, c’est complètement hors-jeu en ce début du XXI ° siècle où le problème majeur est de sortir de ce système marchand.
À la place des révolutions et revendications, ne serait-il pas plus opportuns aujourd’hui de s’orienter vers les ré enracinements, régénérations et renouvellements ?
Et pour reprendre l’image donnée par Pierre Rabhi, d’oasis à créer partout dans le monde, on doit bien avoir conscience d’être au milieu d’un désert, surtout dans les pays industrialisés, donc dans des conditions très défavorables à ces ré enracinements, régénérations et renouvellements.
Que faut-il ré enraciner, régénérer et renouveler ?
La liste est immense et concerne tout ce qui relève de la nature, des sociétés et du vivant. Mais il faut bien commencer par quelque chose ! Et mes choix ici relèvent plus du ressenti que d’une étude approfondie.
Concernant le ré-enracinement, il me semble qu’il faut commencer par celui des citadins. Car sans eux et leur implication dans ce sens, je ne vois pas comment faire émerger une voie à tenter. Ils sont les forces vives des nations et des régions, mais ils manquent de racines.
Fondamentalement ils doivent prendre du temps pour eux, se cultiver, examiner leur vie, le monde, les autres, oser vouloir se changer, retrouver des racines rurales, avec les pieds et les mains dans la Terre et plus que tout, ré enchanter leurs vies, y ré insuffler la vie poétique !
Ce qui est d’abord à régénérer est le sentiment religieux (dans le sens de ce qui relie et non dans le sens de religiosité) et la conscience écologique qui devrait être une conséquence du premier. Paradoxalement, la conscience écologique est en bonne voie de régénération.
Concernant la régénération du sentiment religieux, là, tout reste à faire. Edgar Morin et Anne Brigitte Kern, avec la notion d’évangile de la perdition, nous offrent une piste originale.
Et ce qui est fondamentalement à renouveler est la politique. Il ne s’agit pas de projet de parti mais plutôt de conscience politique à renouveler en chacun. Sans ce renouvellement, rien n’est possible. Cela passe par des actions politiques à l’échelle de villages, ou d’associations comme Colibris, ou de petits groupes, pour avoir une chance d’agir politiquement sans être obligé de s’impliquer dans les partis et institutions politiques en place.