Par Nelly Pons
Vendredi, 9h. Ça y est, cette fois, c’est décidé. Je reprends ma vie en main. Enfin, je veux dire, mon smartphone en main. Et si je m’auto disciplinais un peu ? Je pourrais en enrayer la partie inutile et addictive pour n’en garder que le bon. Chiche ! Je m’engage donc à me déconnecter, me désintoxifier parce que les toxines, c’est pas bon du tout ! Alors, première étape : revenir à la méthode du bon vieux courrier que l’on ne consulte qu’une fois par jour, que l’on prend le temps de dépiauter, dans le plaisir. À partir de maintenant, ce sera lecture des mails une fois par jour seulement. Facile. Mais, attends, si je fais ça, ça veut dire que potentiellement, je vais faire attendre des gens pendant 24 heures ? Ah non. Impossible. Je vais être hors du coup, décalée, que vont-ils penser de moi ? Non. Je veux bien arrêter de lire mes messages en continu, mais faut quand-même pas déconner, les temps ont changé. Restons moderne. Disons… trois fois par jour : matin, midi et soir. Oui, c’est bien ça. Dans l’air du temps, maîtrisé, soft, raisonnable, parfait.
9h30. Ma décision est prise. Petite cession de mails du matin et hop, je décroche. Ouah, c’est chouette quand même, je me sens légère. 09h38. De tout petits numéros rouges apparaissent sur l’écran. Ah zut, j’ai de nouveaux mails. 09h52. Et voilà les numéros qui montent, qui montent, qui montent… Nelly, respire. C’est pas grave, tu n’as qu’à les ignorer. Tu verras ça à midi. 10h15. Rôôô, j’y arriverai jamais dans ces conditions ! Impossible de me concentrer. 10h30. Allo Antoine ? Ok, super, il suffit d’aller dans les réglages du téléphone, de sélectionner le logiciel de courrier électronique et de désactiver la récupération automatique des données. 10h45. Ouf. Je reprends le contrôle, tout va bien.
12h. Nouvelle cession mails. 13h. Déjeuner sans écran. Ça fait du bien quand même hein ? 14h. C’est reparti. Petite envie de consulter mes messages… Allez, tiens bon. ça vaut le coup. Concentre-toi. 15h10. Faut quand même que j’écrive à O. pour le prévenir du changement. Ça ne peut pas attendre ce soir ? Ah non, ça non hein. Bon, allez, je fais juste ce mail et je déconnecte tout de suite la boîte. Oh F. m’a répondu ! Ah non, ne lis pas, ne lis pas ! Tu le feras tout à l’heure. Trop tard. Bah, au point où j’en suis, je vais faire ma troisième cession de mails maintenant. Comme ça, ça sera fait. 16h40. Je pars à l’arrêt de car. 16h50. Je me gare. Ma main droite éteint le contact de la voiture, ma main gauche, elle, farfouille dans ma poche. Librement, comme ça, automatiquement, sans me demander mon avis. Mais ça va pas non ? En moins de deux secondes, mon smartphone est là, devant moi, triomphant. Bon. C’est pas gagné cette histoire. Allez. Demain, j’y arriverai !