Accueille ton éco-anxiété

Par Liane Langenbach

Le 08/05/2020

Ça fait maintenant plusieurs mois que je vis régulièrement des phases de découragement et d’inquiétude assez intenses par rapport à l’avenir qui nous attend. Je dis qui « nous » attend, car bien sûr, même si on a l’impression de bousiller la planète, c’est surtout nous qu’on bousille. Le monde dans lequel on vit disparaîtra peut-être, avec une bonne partie de l’humanité et de la faune et flore telle qu’on la connaît, mais la planète, elle, s’en sortira sans nous et recréera autre chose.

Rien qu’en écrivant ce paragraphe, je me rends compte à quel point je suis loin de l’enthousiasme et de l’espoir qui ont marqué les premières années où je me suis intéressée à la question environnementale.

C’était l’époque « jeune dynamique qui croit qu’elle va pouvoir changer le monde », robe à fleurs, cheveux au vent et brin d’herbe à la bouche. LOL. J’ai 36 ans et tout à coup l’impression d’avoir vécu 10 guerres.

Je dirais que cette phase a commencé en milieu d’année dernière, avec ma découverte des théories de l’effondrement qu’auparavant j’avais très soigneusement évitées (je devais sentir venir le coup), et l’actualité qui a mis en avant l’action de Greta Thunberg.

La violence avec laquelle les médias ont critiqué et moqué cette jeune femme courageuse m’a mis la tête à l’envers. Je n’en revenais pas.

Des réflexions sexistes aux insultes liées à son trouble autistique, en passant par ceux qui voulaient la décrédibiliser en la « rabaissant » au statut d’« enfant », tout y est passé, sauf le vrai sujet : on fait quoi pour faire bouger les choses et lutter contre le réchauffement climatique, la pollution plastique et j’en passe ?

Il faut dire aussi que l’écolo que je suis n’est jamais contente : avant, je me plaignais qu’on ne parlait jamais d’écologie dans les grands médias, maintenant, je me plains qu’on en parle mal, ou encore plus paradoxal, qu’on en parle trop !

J’arrive à l’overdose et toutes ces infos anxiogènes viennent nourrir mon éco-anxiété qui grossit.

Alors, comment gérer ce sentiment franchement ni positif ni constructif ?

Car cette angoisse, loin de me motiver à agir, a plutôt tendance à me laisser prostrée sur mon canapé et à aller liker des vidéos de petits chats sur Facebook.

Au départ, j’ai essayé de faire comme si de rien n’était, en mode « c’est un mauvais jour, ça va passer. »

Ensuite, devant l’efficacité plus que relative de cette méthode, j’ai essayé d’agir contre ce sentiment d’angoisse :

  • en lisant des nouvelles rassurantes (« Quoi ? La population de baleines à bosse a augmenté de 15000 individus en 20 ans ?!? Mais c’est G.É.N.I.A.L !!! ») ;
  • en signant un max de pétitions, en donnant à plus d’assos, en ramassant des déchets à chaque fois que je sortais, bref, en agissant, pour ne pas me laisser aller à une inaction contemplative et déprimante ;
  • en relisant les livres de Pablo Servigne attentivement, pour me rendre compte que oui, l’effondrement bien anticipé peut être source d’un nouvel art de vivre ensemble.

Bla, bla, bla.

Attention hein, non pas que toutes ces actions ne soient pas hyper positives et efficaces. Je ne te découragerai jamais de ramasser des déchets en courant le matin, un sac poubelle à la main pendant que de l’autre tu dégaines ton téléphone pour faire un don à Surfrider.

Mais honnêtement, j’étais juste épuisée, le positivisme n’était que superficiel et l’angoisse sous-jacente, toujours bien là et prête à ressurgir en deux deux.

Bref, j’étais en plein dans des montagnes russes émotionnelles, et en 10 minutes je passais du creux de la vague au sommet du tsunami. Rien de très constructif en somme.

Finalement, et c’est là que j’en suis aujourd’hui, j’ai décidé d’accueillir mon éco-anxiété plutôt que de l’ignorer, la moquer ou lui faire la guerre.

Les jours où elle est là, je la prends en compte, je réduis le bruit ambiant qui vient me parasiter (infos, réseaux sociaux, exposition dans les lieux qui me dépriment comme les centres commerciaux), je lève le pied et j’arrête de m’accabler.

Et en même temps, j’essaie de ne pas lui laisser trop de place. On a vite fait de trop s’écouter et de tomber dans le mélodrame.

Oui je m’inquiète, oui c’est normal vu la situation actuelle, oui j’ai le droit de souffler, mais non, ça ne sert à rien de faire une fixette sur le fait que peut-être, le monde va s’effondrer demain, ou de compter les morts jour après jour.

Que ce soit les koalas en Australie pendant les incendies, ou les humains dans les EHPAD pendant le coronavirus, compter le score chaque jour ne fait ni baisser le nombre de pertes (mais si tu connais l’incantation magique pour le faire, ça m’intéresse), ni augmenter corrélativement ma capacité d’agir.

J’essaie donc de compenser les jours sans par des jours avec : des jours avec l’envie d’agir, avec le sentiment que oui, ça va changer (tu peux aller lire le précédent article de la rubrique sur ce sujet), bref, des jours où je retrouve le colibri en robe à fleurs, cheveux au vent et brin d’herbe à la bouche que je sais que je peux être.

Et pour aller plus loin, je dirai même que les jours anxieux viennent nourrir ma réflexion, pour mieux agir les jours où ça va mieux.

Et toi, comment vis-tu ton rapport au monde actuel et à toutes ses incertitudes ?

*INFO : si ton angoisse est trop présente et te pourrit la vie, il existe des écothérapeutes, des thérapeutes spécialisés sur cette question, qui peuvent t’accompagner.

Tu peux aller lire l’interview que j’ai faite de l’une d’entre elles dans cet article : https://lianedanslajungle.com/lecotherapie-entre-ecologie-et-psychotherapie/

1 réflexion au sujet de « Accueille ton éco-anxiété »

  1. Il est vrai qu’on en a fait de trop pour Greta, mais deux choses sont à distinguer : le sujet qui est sérieux et la personne qui manifestement n’est pas crédible, même si elle fait le buzz par sa grossièreté et son son arrogance.

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